HABITER SES LARMES (CATHÉDRALE DE LA CITÉ MÉDIÉVALE, VAISON-LA-ROMAINE) MAI 2022
L’association des Amis de l'Eglise de la Cité Médiévale m’a sollicité pour réfléchir à l’installation d’une exposition dans l’ancienne cathédrale située dans la ville haute de Vaison-la-Romaine. Un lieu qui m’a séduit par sa douceur et son authenticité.
En respectant son caractère sacré j’ai tenté de créer un dialogue entre la beauté fragile du lieu, ses symboles et mon travail.
À la fin du mois de février, une discussion téléphonique avec un ami des pays baltes, s’est terminée par des larmes. Son vieux rêve était de m’emmener découvrir une région d’Ukraine qui venait d’être attaquée par l’armée Russe.
J’ai été bouleversé par la violence de ces évènements et les pleurs de cet ami. Que faire de ses émotions ?
« Habiter ses larmes » est le titre de cette exposition.
La violence et l’absurdité du conflit en Ukraine, tous les événements tragiques qui y sont liés ont amené l’artiste à modifier le projet d’exposition initialement prévue. Montrer qu’on montre, ou montrer qu’on ne montre pas.
L’absence d’œuvres dans le cœur de la cathédrale, ce vide qui s’impose est l’illustration pour l’artiste de ces milliers de disparitions, de ces vies anéanties dont l’absence béante hantera nos sociétés pour des générations.
Une seule sculpture y est présentée dont le titre est La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, l’unique phrase du feuillet 169 des Feuillets d’Hypnos, la première œuvre de René Char éditée après la seconde guerre mondiale.
Cette sculpture, crée en 2011 à l’occasion d’une double exposition qui se tenait en Lituanie à l’Institut Français de Vilnius et au Musée d’art moderne C. Ciurlionis dans la ville de Kaunas est un hommage au consul Japonais Sugihara Chiune (en fonction à Kaunas en 1940 qui sera nommé Juste parmi les nations en 1985 pour avoir sauvé la vie à plus de 6000 juifs pendant la seconde guerre mondiale) ainsi qu’un autoportrait qui interroge l’histoire, le rapport au temps que notre culture sépare : le passé, le présent, le futur. C’est aussi un questionnement sur les leçons que l’on peut tirer du passé et la nécessité du devoir de mémoire.
L’artiste à fait le choix de créer des œuvres spécialement pour le lieu, de les intégrer discrètement et créer ainsi un dialogue poétique riche de multiples interprétations. Inspiré par l’iconographie religieuse populaire l’artiste nous présente à travers un imaginaire poétique et parfois absurde des ex-votos, reliques et son interprétation de Sainte Lucie ou Adam et Eve, ou de sa Vierge aux larmes, dont l’accumulation des pleurs pourrait être là pour cacher à l’enfant Jésus la vue des atrocités que l’homme perpètre.
Que nous annonce Saint Jean Baptiste en nous présentant cette goutte rouge, et ce rideau de larmes remplaçant la porte absente du tabernacle ? Cette chaise désespérément vide qui est habitée maintenant par des larmes de sang ? Sept des huit chapelles de l’ancienne cathédrale sont ainsi habitées, le temps de cette exposition, par les œuvres du sculpteur raphaël Mognetti.